Templiers 2013 : Le grain de sable…

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5h00 du matin, Paris..s’éveilleeee !!!!                                             

Non, Millau s’étire …lentement….

Seb et moi quittons la maison avec Matiouse après les derniers encouragements de Flo.

Matiouse nous laisse à 2Km du départ. Une fois la grosse commission déposée à droite dans un grand champ plongé dans la nuit aveyronnaise, on file à grandes enjambées sur la ligne de départ.

On se retrouve côte à côte à 15min du départ avec la crème des traileurs français… On est plutôt détendu. On rigole. On échange les derniers conseils. On se prend en photo. On s’entend pour s’envoyer des sms à chaque passage de ravito. Si le 1er est en difficulté, le second le récupérera en chemin. L’entraide sur ce type d’effort est réconfortante.

Le briefing passe et le compte à rebours démarre au rythme de la musique ensorcelante d’ERA, fumigènes rouges sang, taux d’adrénaline à son plus haut niveau…

72Km, 3100m+. Sur le papier, beaucoup de courses affichent un pedigree supérieur. Mais sur le terrain, c’est un véritable traquenard.

Ma tactique est simple :

–          Partir léger (2 bouteilles de 50cl dont une énergisante). Je sais déjà que ce choix est dangereux notamment entre les ravitos 3 et 4 distants de 20Km et de 4h d’efforts.

–          Et partir vite pour perdre le moins de temps dans les bouchons sur la partie roulante de la course !

Nous partons sur un bon rythme pour s’extirper du peloton. J’entraine Seb dans mon sillage mais je sens qu’il n’est pas forcément du même avis sur la tactique J.

Dans ma tête, c’est clair, je pars vite et je récupèrerai dans la montée pour relancer en haut sur le Causse.

Dans ce genre d’effort, on essaye de tout prévoir, d’envisager le plan B voire le C sur la base de son expérience mais… le grain de sable vient là où on l’attend pas !!!

3eme Km : Je perds ma lentille de contact gauche ou plus exactement, elle glisse derrière l’œil…un régal !! Et quelques Kilomètres à faire encore !

Bon sang, pas de bol. J’y vois mal, trouble…. Mais le jour va se lever, ça ira forcément mieux après !!

Mais ce n’est pas le cas, c’est de pire en pire au fur et à mesure de la course. J’ai la sensation d’un grain de sable dans l’œil… Et je dois me forcer à ne pas essayer de l’enlever sous peine de la pousser un peu plus loin sous l’œil.

1er ravito au 20éme Km à Peyreleau en 2h18min. Je suis bien lancé et je me sens frais au niveau des jambes. J’envoie le 1er texto à Seb.

1heure après, toujours pas de niouse de Seb. J’espère qu’il s’en sort. Je suis sûr d’une chose avec lui, il ne lâchera rien.

Ravito 2 à St André de Veysines, 31éme Km. Je tâche d’enlever moi-même la lentille droite. Mais ma tentative échoue. Je ref          ais le plein de liquide et je commence à manger un peu de salé. Les jambes sont bien mais je suis agacé par mon problème de lentilles…

Il faut positiver et reprendre la route après le 2nd sms envoyé à Seb. Il faut s’extirper de cette pensée et se focaliser sur autre chose. Mais sur quoi ?? … Je n’arrive pas à savourer le paysage…. Je décide alors de visualiser ma rencontre avec toute la bande à La Roque St Marguerite, serrer mes loulouttes dans les bras… Oui, c’est bien ça !! Ça marche !! Et en plus, Odile pourra m’apporter mes lunettes…

Sur le chemin, je reçois enfin des nouvelles de Seb. Il est à 19min derrière. C’est cool.

Mais patatras, je ne trouve personne à la Roque. Le moral en prend un coup !! Et toujours impossible d’enlever la 2eme lentille qui rendrait ma vision faible mais au moins pas trouble. Le prochain ravito est dans 4Km. Le poste de secours pour m’enlever cette 2eme lentille… Oui, c’est ça mon prochain objectif !!

Ravito 3, 47eme Km, Pierrefiche du Larzac. Un lieu de méditation au milieu de rien !! J’imagine ce lieu en plein hiver. Glaçant mais fascinant!!!

Au poste de secours, je tremble trop. Impossible d’enlever ma lentille avec la glace tendue par un secouriste. C’est la 3eme tentative !!

Je dois repartir avec mes 2 lentilles : l’une en place et l’autre derrière l’œil !!

Les jambes tirent. Une 2eme course commence. Le traquenard se dessine.

Tout se joue désormais là. Le psyché déjà en fonctionnement depuis de nombreux Km commence à fonctionner à plein régime. Le corps est un moteur hybride. Le mental prend le relai quand les jambes flanchent… Et ça commence à être le cas !! Et cette satanée lentille !!

Vers le 55eme Km, on court le long d’une corniche. A quelques centimètres, c’est le vide. C’est le déclic au moment d’une foulée hésitante. Je décide de m’arrêter et de repartir uniquement si j’enlève cette lentille. Je gâche un peu d’eau pour nettoyer mes doigts que je plonge tremblotant dans mon œil. Je la sens, elle vient… Je l’ai !! Soulagement immense !!

J’y vois mal mais c’est plus du tout trouble. Cette victoire me redonne le moral mais l’évidence me saute aux yeux : Je suis obligé de finir avant la nuit car ma vue est trop faible sans lunettes et lentilles pour finir dans le noir. Je ne suis pas un hibou (allusion à la descente finale) après tout même si je suis plutôt chouette comme garçon J !!

Je reçois enfin le sms de Seb. 45min derrière. Il a perdu beaucoup de temps. Il doit souffrir et les difficultés ne font que commencer.

La course se poursuit et ce que je redoutais arrive. Partir léger est à double tranchant… Je commence à être juste en eau. Je suis encore loin de la Ferme du Cade que je vois depuis le Causse d’en face !! Ca va être tendu de chez tendu !

Mais Massebiau se profile (lieu du sauvetage de Seb le St Bernard)… Le temps est chaud et ça a poussé les organisateurs à rajouter un point d’eau. J’avale une quantité d’eau impressionnante et refait ma réserve.

La montée qui suit est un calvaire (4Km pour 500m+) sur un terrain hyper accidenté. 2 arrêts car j’ai les jambes coupées. Je pense alors que je suis passé à 2 doigts d’une déshydratation…  Les bâtons me manquent terriblement… Je perds beaucoup de temps sur 4 petits Kilomètres !!!

J’essaye de visualiser des images positives mais je n’ai plus la capacité. Un regard sur la photo de mes filles pendue à la taille m’arrache un sourire…

Lentement, je relance doucement pour rentrer au Cade (ravito 4au 64eme Km). Je le sais au plus profond de moi, l’arrivée psychologique de la course est là, au Cade, dans une ferme chaleureuse où je vais retrouver de l’énergie…

Et c’est le cas, mon corps retrouve un peu de vie. 8Km à faire et une seule image en tête qui va me porter jusqu’au bout : Odile et mes petites puces sur la ligne d’arrivée. C’est plus fort que moi. Cette image que je me suis tant visualisé en entrainement et au cours de la course, me saute aux yeux comme si je pouvais la toucher. Aucun grain de sable m’arrêtera jusqu’aux encouragements de Florence et Florian proche de l’arrivée et la vision de mes 3 chéries. Ma vue se trouble alors  d’émotion !! La ligne est là après 11h30 d’effort et nous la franchissons en famille. Ce moment est fort, intime, jouissif !!

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Je retrouve Alain et Chantal, aux petits soins avec moi. Adorables… Ils me donnent des nouvelles de Seb . Le dernier sms arrive peu de temps après. Seb est au dernier ravito du Cade. Encore 2h d’efforts. Mais, je suis rassuré, il va rallier désormais l’arrivée, devenir lui aussi Finisher des Templiers et revêtir la tunique bleue à 3 bandes.

Pour la petite histoire, un peu plus tard dans la soirée,  je réussirai à enlever ma lentille gauche (celle coincée depuis 5h30 du matin) en jouant dans le lit avec Sarah et Joane. Décidemment, les p’tites loulouttes m’auront aidé tout au long de cette journée de fou…

Une réflexion au sujet de « Templiers 2013 : Le grain de sable… »

  1. Merci pour ce récit. On ressent bien la diificulté. Ce type de course n’est pas à la portée de tous. The Seb nous l’avait narré également au sujet du GRP. Même si on est tenté de se laisser piéger par l’euphorie, il est important de bien situer son niveau de forme physique et surtout mentale (l’envie de se faire mal, car c’est un passage obligé).

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